Couverture de tôle

Historique : La tôle à la canadienne

Dès le Régime français, les toits de tôle sont apparus comme la seule solution pour contrer les incendies qui se propageaient trop aisément d’un toit de bois à l’autre. Il y avait bien l’ardoise, un matériau ignifuge de premier choix, mais les difficultés d’approvisionnement et sa faible résistance aux rigueurs du climat ont fait en sorte que, très tôt, on lui a préféré les feuilles de fer blanc, un acier plaqué d’une couche d’étain des deux côtés.

Figure 1 : Différentes façons de poser les feuilles de tôles 1) Tôle « à la canadienne » ; 2) Tôle « à baguette » ; 3) Tôle à « joint pincé »

Puis le génie de l’époque a su développer différentes façons de poser ces feuilles de métal de faibles dimensions pour assurer l’étanchéité des joints d’assemblage et la durabilité du revêtement de couverture (Figure 1). La tôle posée selon la méthode dite « à la canadienne » (Figure 2), une façon de faire unique au Québec de fait à tout ce territoire correspondant à une époque au Bas-Canada, comportait de nombreux avantages :

 

  1. Risques réduits d’infiltration d’eau aux points d’attache puisqu’aucun clou ou agrafe ne sont apparents ;
  2. Résistance du matériau aux intempéries et aux très grandes variations de température ;
  3. Pose facilitée en raison de la légèreté du matériau ;
  4. Durabilité du revêtement d’environ 50 à 75 ans ;
  5. Protection accrue contre le feu.
Figure 2 : Tôle « à la canadienne » © Crédit photo : Alexandra Michaud

Les dimensions des feuilles de tôle disponibles à l’époque variaient de 10 pouces sur 14 pouces (25,4 cm sur 35,6 cm) à 15 pouces sur 21 pouces (38 cm sur 53,3 cm), ce qui avait une incidence directe sur la dimension des bardeaux pliés et de leur partie apparente, le pureau.
La tôle dite « à la canadienne » se posait en diagonale, en rangées se chevauchant de gauche à droite et de bas en haut afin que l’eau s’écoule rapidement et que le revêtement soit vraiment imperméable (Figures 3 et 4).

Figure 3 : Tôle « à la canadienne » Pose traditionnelle
Figure 4 : Tôle « à la canadienne » Pose contemporaine

Historique : Tôle à baguette

Avec les avancées technologiques, l’acier galvanisé est venu remplacer le fer blanc. Puis, vers le milieu du XIXe siècle, on a produit des feuilles de tôle de plus grandes dimensions. Du coup, les bâtisseurs ont su mettre au point un nouveau type de revêtement de toit : la tôle « à baguette » (Figures 5 et 6). La tôle étant dorénavant offerte en bande continue et d’une bonne largeur, il s’agissait de trouver une façon de réunir ces bandes par un joint continu le plus étanche possible sur toute la longueur du rampant de la toiture. La technique alors développée consistait à appliquer, à chaque ligne de rencontre de deux laizes de métal contiguës, une baguette de bas en haut de la toiture, de remonter contre cette baguette les côtés des bandes de métal de façon à pouvoir les rabattre et les souder pour surélever le joint et assurer l’étanchéité.

Figure 5 : Tôle « à baguette »
Figure 6 : Tôle « à baguette » © Crédit photo : François Varin

Au fil des ans, les baguettes ont pris différentes formes, conférant aux toitures des aspects différents, celle de forme trapézoïdale étant la plus efficace (Figure 7). Elle s’avère notamment la plus efficace pour permettre la dilatation et la contraction des feuilles de tôles, ce qui limite la déformation de la toiture (Figure 8).

Figure 7 : Différentes formes de baguettes a) Section carrée ; b) Section triangulaire; c) Section trapézoïdale ; d) Section à encavure
Figure 8 : Dilatation des tôles La baguette de forme trapézoïdale est la plus adaptée pour permettre la contraction au froid (1) et la dilatation au chaud (2) de la toiture, limitant sa déformation.

Historique : Tôle à joint pincé

Puis, on a cherché à simplifier encore la méthode de pose en pinçant simplement le joint une fois les côtés réunis et repliés sur eux-mêmes, d’où l’expression tôle « à joint pincé » ou « à joint debout » (Figure 9). Cette méthode, moins coûteuse que les précédentes, était tout aussi efficace quant à l’efficacité de la toiture : le joint relevé à la verticale par rapport au plan de la toiture permettait l’écoulement rapidement de l’eau. Cependant, les joints pincés demeuraient vulnérables au moment du déneigement de la toiture.

Figure 9 : Tôle « à joint pincé » © Crédit photo : François Varin
Figure 10 : Tôle à motifs embossés © Crédit photo : François Varin

Au début du XXe siècle, des feuilles de tôle avec des motifs embossés font leur apparition (Figure 10). Pour ce qui est de la tôle à la canadienne, les feuilles sont posées à la manière du bardeau de bois par rangs horizontaux se chevauchant de manière à dissimuler les clous (Figure 11).Toutes ces méthodes de pose présentent un intérêt et témoignent des avancées technologiques de leur époque.

Figure 11 : Pose de la tôle à la canadienne Les feuilles de tôles sont pré-pliées en usine pour ensuite être rabattues les unes sur les autres.

Problèmes les plus fréquents

  1. Usure par abrasion et rouille ;
  2. Infiltration d’eau suite à des éléments de tôle mal fixés ou dégradés ;
  3. Dégradation générale ou partielle du revêtement (rouille, manque d’entretien, soulèvement des bardeaux dus aux intempéries, etc.).

Solutions et méthodes d'intervention :

  1. Évaluer l’usure et l’état de dégradation du revêtement pour identifier les parties à changer et celles à conserver. Des interventions bien choisies peuvent prolonger de plusieurs années la durée de vie d’un revêtement de tôle.
  2. Avant de remplacer partiellement ou en totalité le revêtement, prélever un échantillon d’une feuille pliée comme référence de base.
  3. Le cas échéant, remplacer le planchéiage pour obtenir une meilleure emprise pour la pose du prochain revêtement. Préférer la planche au contreplaqué, car elle permet une meilleure ventilation, selon la composition de la toiture.
  4. La pose de la tôle à la canadienne se fait de gauche à droite, ou à l’inverse si l’ouvrier est gaucher ;
  5. L’angle de pose est généralement de 15 à 30 degrés. Respecter l’ancien angle de pose.
  6. La largeur des arêtiers varie de 6 à 8 pouces (15 à 20 cm), soit 3 ou 4 pouces (6 à 10 cm) de chaque côté.
  7. À l’égout du toit et aux noues, prévoir un solin d’une largeur minimum de 3 pieds (environ 1 m) sous le solin, poser une membrane caoutchoutée ou du papier d’asphalte.
  8. Pour l’entretien, brosser et poncer la tôle pour enlever toute la rouille de surface et mettre le métal à nu.
  9. H) Appliquer une couche de peinture d’apprêt puis deux couches de peinture de la couleur choisie.
  10. Pour un revêtement neuf, laisser l’acier galvanisé soumis aux intempéries pendant 1 an avant de peindre de manière à permettre une meilleure adhérence de la peinture.
  11. Repeindre environ aux cinq ans, ou selon ce que dicte l’observation du revêtement.
  12. Si un bardeau se soulève, il est possible de le consolider en posant des vis à collet en néoprène sur la partie apparente du bardeau. Dans le cas où une grande partie des tôles se soulèvent, le remplacement de la couverture complète devrait être envisagé.
  13. Si un bardeau ou une partie de bardeau doit être changé parce qu’il est rouillé ou usé, on découpe le bardeau ou la partie abîmée et on le remplace avec une pièce de métal semblable que l’on soude sur le pourtour. Afin d’assurer la durabilité de la soudure, il est important de décaper et bien nettoyer les deux surfaces de métal à souder. Il peut s’avérer essentiel d’avoir recours à une main-d’œuvre spécialisée pour réaliser ce type de réparation.

Matériel et outils

  1. L’acier galvanisé est le plus couramment utilisé pour la réfection. Ce matériau exige un entretien régulier.
  2. L’acier étamé, le plus cher et le plus durable. Ce matériau ne nécessite aucun entretien et peut durer au-delà de 100 ans.
  3. Le « galvalume » gagne en popularité et améliore de plus de 2 fois la durée de vie de l’acier galvanisé à sa base.
  4. L’aluminium prépeint.
  5. Le cuivre, coûteux. Ce matériau est davantage utilisé pour le recouvrement des édifices institutionnels.
  6. Les matériaux connus sous leur nom de fabrique, tel easyform.

Main d'oeuvre

La majorité des ferblantiers-couvreurs exécutent encore l’un ou l’autre de ces recouvrements de tôles : à la canadienne, à baguette ou à joint pincé. Comme pour tout autre travail, il importe de regarder toutes les options et les prix qui varient selon la méthode, le matériau utilisé et l’entreprise qui le réalise.

Figure 12 : Maison avec toiture en tôle à baguettes, Île d'Orléan © Crédit photo : Alexandra Michaud

Conseils

  1. Demander des soumissions à plus d’une entreprise.
  2. Pour obtenir des plis parfaits, utiliser de l’acier galvanisé de jauge 28 et de l’tooltip etiquette=acier inoxydable’ texte=’Communément nommé acier inox, il s’agit d’un alliage d’acier faible en carbone avec du chrome. Cet alliage permet de diminuer sa sensibilité à la corrosion.’] de jauge 28 ou 30.
  3. Pour le pliage, utiliser le gabarit sur la plieuse et non le poinçon, qui endommage le métal.
  4. Utiliser des clous de même matériau que la tôle du recouvrement pour éviter les réactions chimiques. Aucun clou et agrafe ne doivent être apparents.
  5. Pour la tôle « à la canadienne », perforer au préalable l’emplacement des clous.
  6. Dans le respect de la continuité historique, utiliser un matériau qui, par sa texture, sa couleur et ses dimensions, se rapproche du matériau d’origine.

Bibliographie

1.VARIN, François, LABONTÉ, Colette (1981). La couverture de tôle à la canadienne, Bulletin no 13 du Conseil des monuments et sites du Québec, p 60-66

2. American School of Correspondence, Cyclopedia of Architecture, Carpentry and Building, Chicago, 1909. 10 vol.

3. BELLE, John, et al., Traditional Building Details for Building Restoration, Renovation and Rehabilitation from the 1932-1951 Editions of Architectural Graphic Standards, New York : Halsted Press (1988).

4. Lessard, Michel et Vilandré, Gilles. La maison traditionnelle au Québec. Montréal, Les Éditions de l’Homme, 1974. 493 p.

5. Lessard, Michel, Les Livernois Photographes, Musée du Québec Québec Agenda, 1987, 338 p.

6. London, Mark et Ostiguy, Mireille. Couvertures traditionnelles, Coll. « Guide technique no 1 » Montréal, Héritage Montréal, 1984. 64 p.

7. Ministère des Affaires culturelles, Fred C. Wũrtele Photographe, Cahiers du patrimoine 6, 1977, 276 p.

8. NATIONAL PARK SERVICE, “Roofing for Historic Buildings”, Preservation Briefs, Washington (D. C.) : National Park Service (1975-2000)

9. NOPPEN, Luc, et al, Québec trois siècles d’architecture, Montréal : Libre Expression (1979).

10. Varin, François et al.,(recueil d’articles), Entretien et restauration : de la fondation à la toiture, Québec : Conseil des monuments et sites du Québec (1985).

11. Ville de Québec, Guides Techniques Maître d’œuvre : Les couvertures en tôle à la canadienne, Les couvertures en tôle à baguettes, 1988-1991, guides de 24 pages

Ces fiches techniques remaniées et illustrées sont le résultat d’une collaboration étroite entre le magazine Continuité, Action patrimoine et leur auteur, l’architecte François Varin. Veuillez noter qu’elles se veulent un outil d’accompagnement pour guider la réflexion en matière d’intervention sur le patrimoine bâti; elles ne remplacent en rien l’expertise et le travail d’un professionnel.

© François Varin, Éditions Continuité et Action patrimoine. Révisions: François Varin, Louise Mercier et Alexandra Michaud. 
Dessins techniques: Alexandra Michaud ©