La démolition du Centre Jean-Marie-Roy, une simple logique comptable?

Chronique parue dans Le Devoir - 20 avril 2018

On veut rappeler ici l’importance du patrimoine moderne, rappeler aussi le legs de l’architecte de renom Jean-Marie Roy, notamment son campus Notre-Dame-de-Foy, classé site patrimonial, ainsi que l’intérêt du Centre Jean-Marie-Roy à Saint-Augustin-de-Desmaures, et plus encore. Le cas de ce dernier nous renvoie, une fois de plus, à l’importance du rôle des municipalités par rapport au patrimoine.

 

À la lecture de la nouvelle annonçant la démolition du Centre, on peut se demander si nous sommes voués à une simple logique comptable. Tout, dans ce dossier, témoigne du travail qui reste à accomplir afin que les municipalités puissent porter cette responsabilité culturelle et sociale quant à la sauvegarde de leur patrimoine sur leur territoire au lieu de contribuer à sa destruction. Car, en effet, malgré la lettre d’Action patrimoine et de Docomomo Québec envoyée à la municipalité, le texte de Martin Dubois paru dans Contact, le magazine de l’Université Laval, l’article de Jean-François Nadeau (le 17 mars) et la lettre ouverte de la famille Roy parue dans Le Devoir (le 22 mars), on pouvait lire récemment dans Le Journal de Québec que le Centre Jean-Marie-Roy, situé à Saint-Augustin-de-Desmaures, sera fermé en juin et bel et bien démoli d’ici l’automne.

 

Il est évident que l’on ne peut pas mettre une cloche de verre sur tout ce qui est potentiellement d’intérêt patrimonial. Là n’est pas la question. Cependant, lorsque la seule et unique raison invoquée par la municipalité, pour justifier la démolition d’un bâtiment d’intérêt, consiste à avancer la rigueur budgétaire, cela paraît un peu court. Cet argument pourrait même compromettre l’avenir de plusieurs édifices remarquables. Il ne faut pas perdre de vue que les choix associés à l’aménagement du territoire marqueront celui-ci pendant de nombreuses décennies. La démolition d’un édifice patrimonial est un acte définitif, qui ne permet aucun retour en arrière. D’où l’importance d’un choix éclairé lors d’une telle prise de décision.

 

Décision rationnelle ?

 

« Quand on arrive devant un presbytère, une église, je peux comprendre. Mais là, je ne suis pas impressionné : ça a l’air d’une livre de beurre de l’extérieur », mentionnait le maire Juneau à propos du Centre Jean-Marie-Roy. Il est très inquiétant de voir un élu exprimer son appréciation personnelle lorsque vient le moment d’évaluer un édifice. Il serait plutôt nécessaire de commander une étude patrimoniale en bonne et due forme. Selon cette même logique, si tous les maires devaient être « impressionnés » pour qu’un édifice soit reconnu patrimonial et sauvegardé, bon nombre d’édifices patrimoniaux seraient compromis.

 

La Ville prévoit de financer son projet de remplacement à 50 % grâce au programme de soutien aux installations sportives et récréatives du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. N’est-il pas paradoxal qu’un programme gouvernemental de subventions destiné à aider les municipalités à se doter d’infrastructures incite à la démolition d’un édifice existant et, qui plus est, d’intérêt plutôt que d’encourager sa rénovation et son entretien ?

 

Et si, pour de multiples raisons, une démolition s’avérait la meilleure option, il est fortement recommandé qu’elle ne soit pas réalisée tant que le projet de remplacement n’a pas été planifié. D’une certaine façon, cette nouvelle proposition architecturale devrait compenser le bien perdu par sa qualité et son innovation. Nous sommes bien loin de ces conditions dans le cas présent ; le maire a affirmé d’emblée que le projet de remplacement « ne durera pas 100 ans ». Aux dernières nouvelles, le Centre Jean-Marie-Roy sera démoli bien avant que les détails du projet de remplacement soient dévoilés au grand jour.

 

À quelques semaines du dévoilement de la politique culturelle du Québec, on espère qu’une place importante sera accordée au patrimoine bâti. Est-ce qu’elle incitera enfin les municipalités du Québec à être proactives dans la mise en valeur de leur patrimoine, notamment par un plan d’action solide et des enveloppes budgétaires significatives ? Est-ce que les municipalités seront bel et bien reconnues comme des acteurs incontournables quant à la sauvegarde du patrimoine bâti, tout comme les organismes qui travaillent sans relâche à leur préservation et leur mise en valeur ?