Les constructions en pièces de bois massives utilisent le gros bois d’œuvre disponible localement. Les types d’assemblage des pièces diffèrent par la façon de tailler les billes de bois, par les méthodes de construction privilégiées à certaines époques, par la disposition des ouvertures, par la présence de corniches ou d’autres éléments architecturaux. Beaucoup de constructions de ce type subsistent encore, même si des revêtements plus récents dissimulent souvent le carré structural.
Charpente pièces sur pièce
Les constructions en gros bois d'oeuvre
Historique
Du XVIIe au XIXe siècle, le bois massif a été utilisé pour la construction des maisons. Dans l’ensemble des régions du Québec, des charpentiers et des menuisiers vivaient de leur métier grâce à l’abondance de cette ressource première et à une forte demande. Les récits anciens et les actes notariés témoignent de la variété des façons de mettre en œuvre le gros bois d’œuvre et de la diversité des appellations données aux méthodes de construction. Les éléments de charpente de ce type de maison étaient assemblés soit à la verticale, soit à l’horizontale.
L’assemblage à la verticale remonte aux traditions de bâtir de la mère-patrie : les pièces de bois formant le carré étaient directement plantées dans le sol (Figure 1). Ces constructions n’étaient pas d’une grande résistance, car le bois, en contact avec le sol, fortement exposé à l’humidité se dégradait et subissait les mouvements de sol suivant les cycles de gel et dégel.
Variantes de l'assise
On a donc très tôt modifié la façon de faire en faisant reposer les éléments de charpente à la verticale sur une assise de bois, de pierres sèches ou de maçonnerie. La charpente se trouvait ainsi mieux isolée de l’humidité du sol et moins sujette à la pourriture et au soulèvement avec la présence de fondations plus profondes dans le sol. Cette méthode de construction dite à l’origine « à poteaux sur sole » a conduit à la maison à « colombage pierroté ».
Dans ce type de construction, des pièces de bois verticales sont retenues à l’aide de tenons et de mortaises à grosses pièces de charpente dessinant au sol le carré de la maison ; l’espace compris entre les pièces verticales était comblé avec un mélange de pierres, d’argile de mortier ou de bousillage suivant les époques. La maison Lamontagne à Rimouski illustre cette vieille technique (Figure 2).
Construction pièce sur pèce
Puis, pour mieux répondre aux rigueurs du climat et obtenir des constructions plus performantes, les éléments de charpente sont assemblés à l’horizontale. Ainsi apparaît le « pièce sur pièce », méthode efficace et simple d’assemblage. Deux variantes principales de cette méthode se sont développées. Le pièce sur pièce est dit « à coulisse » lorsque l’extrémité des pièces de bois massif, taillée en tenon, glisse, de part et d’autre, dans des rainures pratiquées dans des poteaux disposés aux quatre coins du bâtiment et à certains endroits stratégiques (Figure 3).
Les ouvertures étaient également délimitées verticalement par des poteaux rainurés appelés poteaux d’huisserie (Figure 4). Pour solidifier l’ensemble et maintenir l’aplomb des murs, les pièces de bois superposées étaient percées de trous à intervalles dans lesquels on insérait des chevilles de bois.
Variantes de l'assise
L’autre variante de la méthode consiste à assembler par deux les extrémités des pièces équarries aux angles du bâtiment.
L’assemblage peut être fait de plusieurs façons.
On trouve des assemblages « à mi-bois » ou « carrés », « taillés en selle », par simple chevauchement, à « queue d’aronde » et « à demi-queue d’aronde ».
Le plus courant est celui « à queue d’aronde » (Figure 5).
C’est le plus efficace à la fois parce qu’il empêche l’angle du bâtiment d’ouvrir, les pièces se resserrant quand une poussée est exercée sur l’assemblage, et aussi parce que cette façon de tailler favorise l’écoulement de l’eau. Les pièces de bois étaient refendues à la scie du scieur de long actionnée par deux ou trois hommes, puis équarries à la hache appelée « épaule de mouton » ou « doloise » et finies à l’herminette.
Étanchéité de la construction
Pour rendre la construction en pièce sur pièce étanche, les interstices étaient bouchés avec un bousillage, un mélange de glaise et de paille, avec de la filasse de chanvre ou, à partir du XIXe siècle, avec de l’étoupe, puis protégés d’un joint de mortier. Un badigeonnage annuel de lait de chaux éloignait les insectes et les rongeurs et prévenait le développement de champignons. Avec le temps et les besoins accrus de confort intérieur, les murs intérieurs sont piqués de chevillettes de bois (appelées picotis de chevillettes) ou de lattes de bois fendues, puis sciés vers la fin du XIXe siècle et cloués pour permettre l’accrochage d’un enduit de chaux, d’un crépi ou de plâtre.
Les murs extérieurs sont recouverts selon les époques d’un revêtement de planches à la verticale ou à l’horizontale ou de bardeaux de bois et parfois même d’un parement de briques. Au début du XXe siècle, on peut parfois retrouver un treillis métallique fixé au carré de pièce sur pièce pour recevoir un crépi à forte tenue de ciment.
Problèmes les plus fréquents
- Manque d’entretien entraînant la dégradation des pièces.
- Pourriture due à des infiltrations d’eau. Par exemple, le toit ne se projette pas suffisamment au-delà de l’aplomb des murs et il en résulte un ruissellement sur les parois qui deviennent saturées d’eau. Ou encore, il manque des éléments protecteurs tels des planches cornières aux angles afin de protéger les assemblages plus vulnérables à la pourriture, ou on a omis de recouvrir le bois d’un produit de préservation, d’huile de lin, d’un badigeon de chaux, d’un crépi, etc. Les endroits où l’humidité s’installe sont normalement le haut des murs au niveau de la corniche, le bas des murs, les parties qui longent les descentes pluviales, la tête et le dessous de la tablette des fenêtres et des portes.
- Absorption d’humidité par capillarité due au fait que le carré de la maison repose trop près du sol ou directement sur le sol.
- Mauvais choix de l’essence de bois qui se dégrade rapidement dans un contexte de grande humidité présente.
- Dégradations dues à des facteurs climatiques. Un mur exposé au nord se détériore plus rapidement. Un mur exposé au sud restera plus sec, mais les rayons ultraviolets du soleil affecteront la substance même du bois et diminueront sa capacité structurale.
- Défaillances structurales dues aux mouvements de sol.
- Absence ou dégradation de solins.
- Présence de champignons ou d’insectes qui diminue la capacité portante et entraîne des affaissements de la structure.
- Revêtements récents qui emprisonnent l’humidité et entraînent la dégradation de la structure.
- Des joints qui, soumis aux rigueurs du climat, se sont dégradés.
- Forte présence d’humidité et saturation d’eau dans le bas des murs ou à d’autres endroits névralgiques par suite d’un manque de ventilation ou d’un manque d’éléments architectoniques appropriés.
Solutions et méthodes d'intervention
- Faire une inspection régulière pour détecter rapidement les problèmes. L’examen visuel du bas des murs à l’extérieur, au sous-sol et dans les combles permet de déceler des problèmes que les revêtements de finition des murs peuvent cacher.
- Renforcer les qualités structurales des poutres qui présentent des défaillances. Voici quelques techniques de consolidation : injection d’époxy, insertion de lame d’acier, pose de supports métalliques, plaques d’acier boulonnées, supports et renforcement de bois.
- Appliquer régulièrement un produit de préservation, de l’huile de lin, un lait de chaux, ou poser un revêtement de bois, selon la nature de la construction et les méthodes de mise en œuvre.
- Remplacer les pièces de bois endommagées et pourries. Cette solution est souvent la plus simple. Après avoir correctement étançonné la structure, les pièces de bois à changer sont remplacées par de nouvelles pièces taillées de la même façon et traitées contre la pourriture sous pression ou par trempage prolongé dans un produit de préservation. Les nouvelles pièces de bois sont installées à serre et assujetties à l’aide de clous, de chevilles de bois dur ou d’assemblages particuliers si l’ouvrage était soulevé durant les réparations. Ces pièces peuvent même être datées par souci d’honnêteté. Les interstices entre les pièces de bois sont bouchés avec de l’étoupe. Pour une finition en crépi, on peut fixer des chevillettes de bois pour permettre au mortier de bien adhérer. La pose d’un mortier pas trop riche en ciment assure l’étanchéité du mur et permet d’absorber les mouvements de la structure. Dans le cas où les pièces sont laissées à nu (cette façon étant toutefois déconseillée, car elle nécessite un entretien constant), l’application d’huile de lin ou d’huile d’abrasin (Tung oil) ou d’une teinture semi-transparente avec produit de préservation sur l’ensemble du carré de bois contribuera à la préservation du bois.
S’il est prévu de recouvrir le carré de pièce sur pièce d’un revêtement de bois, un lattage de bois sera nécessaire autant pour la pose d’un déclin de bois, de bardeaux de bois ou de planches à la verticale. Dans le cas d’un crépi, des chevillettes de bois permettront un bon accrochage. Les détails d’exécution s’inspireront de ceux d’origine ou seront réalisés selon les évidences historiques ou celles illustrées sur les photographies anciennes.
Problèmes de champignons
La présence de champignons se manifeste par des débris de décomposition du bois, par l’augmentation de sa porosité et la diminution de sa résistance, qui entraîne une perte de masse et de volume. Les champignons se développent dans un milieu où l’humidité excède 20 %, où la température ambiante oscille entre 2 et 44 °C, lorsqu’il y a suffisamment d’oxygène, un peu de lumière et peu de ventilation. On les retrouvera donc d’abord à l’intérieur de la maison, souvent au sous-sol ou dans la partie inférieure des murs.
- Identifier le type de champignons avec l’aide de spécialistes dans le domaine.
- Appliquer par badigeon le traitement adéquat selon le type de champignons après avoir fait un curetage.
- Bien ventiler la pièce pour créer des conditions défavorables à la croissance des champignons.
Problèmes d'insectes
Les insectes qui attaquent le bois sont en général des coléoptères tels les fourmis charpentières, dont les larves creusent des galeries dans le bois. Au stade final de leur croissance, les insectes se frayent un chemin vers la surface. Ces galeries réduisent la densité du bois et mènent à des problèmes structuraux souvent imprévisibles. Les galeries sont indécelables pendant certaines périodes de la vie des insectes, mais la présence de trous d’envol par où ils ont quitté l’intérieur de la pièce de bois est un indice révélateur.
- Identifier le type d’insectes. La grosseur des trous est un indicateur, car la taille des insectes diffère selon les espèces.
- Appliquer l’insecticide approprié en faisant appel à une entreprise d’extermination.
- Appliquer un produit de préservation sur les pièces de bois.
- Contrôler le taux d’humidité pour prévenir les infestations.
Main-d'oeuvre
- Le bricoleur averti fera appel à un charpentier d’expérience avec qui il fera équipe.
- Un laboratoire d’inspection (référez-vous aux pages jaunes ou consultez le WEB) pourra, s’il y a lieu, identifier le type de champignons affectant la structure de la maison.
- Une entreprise d’extermination pourra intervenir dans le cas d’infestation d’insectes.
- Une entreprise de levage de maison s’il s’avérait, par exemple, que l’assise sur tout le pourtour nécessitait des réparations majeures qui ne pourraient se faire sans procéder au levage.
- Des fabricants de pièces d’acier ou de métal ouvré pourront concevoir sur mesure les ferrures et équerres de métal nécessaires au renforcement, s’il y a lieu, quoique l’idéal demeure de réparer et de refaire les assemblages ou d’autres composantes selon les méthodes et les matériaux traditionnels.
- On peut également consulter deux organismes qui reconnaissent les compétences des gens de métiers reliés à la construction selon leur domaine d’activité : le Conseil des métiers d’art (CMAQ) et l’Association Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (APMAQ).
Conseils
La créosote est l’un des premiers préservateurs mis au point. Faite de goudron de houille, on l’utilisait déjà vers 1840 pour le traitement des navires de bois. Soluble dans l’huile, la créosote a toutefois des limites écologiques. Le marché offre aujourd’hui des produits solubles dans l’eau, propres, inodores, incolores et moins dommageables pour l’environnement. Les pièces traitées avec ces produits peuvent être peintes ou teintes. Parmi les produits les plus connus, mentionnons le chromate acide de cuivre (CCA), l’arséniate de cuivre chromé (ACC) (un fongicide efficace), l’arséniate de cuivre ammoniacal (ACA) et la solution de borate de sodium. Ces produits sont toxiques : il faut bien suivre les précautions recommandées par les fabricants.
On doit utiliser des pièces bien sèches, car, si elles sont encore humides et pleines de sève, elles se déformeront, rétréciront et se fendilleront.
Bibliographie
1. VARIN, François (1992). Les maisons en pièce sur pièce. Continuité (54), p.44-47. Adresse URI : http://id.erudit.org/iderudit/17581ac
2. AUGER, Jules, et al, Mémoire de bâtisseurs du Québec. Répertoire illustré de systèmes de construction du 18e siècle à nos jours, Montréal : Éditions du Méridien (1998).
3. LESSARD, Michel et VILANDRÉ, Gilles (1974) La maison traditionnelle au Québec : Construction, Inventaire, Restauration. Ottawa : Les éditions de l’homme, 493 pages.
4. LESSARD, Michel et MARQUIS, Huguette (1972) Encyclopédie de la maison québécoise : 3 siècles d’habitations. Ottawa : Les éditions de l’homme, 728 pages.
5.RAMSEY, Charles George (1992) Construction details from Architectural graphic standards, eighth edition. New York : Willey, 391 pages.
6. LONDON, Mark, et al., Revêtements traditionnels, Montréal : Héritage Montréal (1984).
7. Notman, Portrait of a Period, A Collection of Notman Photographs 1856-1915, McGill University Press, 1967,
8. REMPEL, John L., Building with Wood, University of Toronto Press (1980)
9. Varin, François et al.(recueil d’articles), Entretien et restauration : de la fondation à la toiture, Québec : Conseil des monuments et sites du Québec (1985).
10. National Park Service, The Preservation and Repair of Historic Log Buildings, Preservation Brief No 26, 1991