Nous vous écrivons, car nous avons pris connaissance du projet de passerelle cyclable sur la Pointe-à-Carcy, dévoilé par la Ville de Québec il y a quelques semaines. Ce projet qui s’inscrit dans la Vision des déplacements à vélos de la Ville témoigne d’une volonté louable d’améliorer la cohabitation entre piétons et cyclistes dans un secteur comportant plusieurs contraintes. Nous aimerions cependant porter à votre attention certaines considérations patrimoniales qui, à notre avis, ont été omises dans ce projet.
Depuis plusieurs années, notre organisme porte une attention particulière aux questions d’accès physique et visuel aux rives du fleuve St-Laurent. Ainsi, nous avons déposé en 2008 auprès du Port de Québec un mémoire pour la mise en valeur de la Pointe-à-Carcy. Parmi les recommandations que contenait ce mémoire, nous préconisions d’assurer la protection de la silhouette de la façade fluviale et des perspectives visuelles cadrées sur le fleuve, en limitant les constructions qui auraient pour effet de les obstruer.
Cette recommandation est en accord avec celles émises par le Conseil du patrimoine culturel du Québec dans sa publication de 1995 Pointe-à-Carcy : principes d’aménagement et d’intervention et avec celles de l’Inventaire des perspectives visuelles du site patrimonial du Vieux-Québec et du secteur Cape-Blanc, mené par la firme d’architectes Groupe A / annexe U en 2016 pour la Ville de Québec et le ministère de la Culture et des Communications. Ce document affirme que « [le] fleuve et la Rive-Sud devraient être visibles depuis plusieurs points de vue, notamment dans l’axe des rues perpendiculaires au promontoire. Les implantations à même le tissu portuaire devraient permettre des dégagements […] permettant une ponctuation du parcours longitudinal par une série de « fenêtres, vides ou espaces non construits » ouverts sur le fleuve. » On y recommande aussi d’ériger les nouvelles constructions perpendiculairement au fleuve.
Or, la passerelle cyclable dévoilée constitue un obstacle visuel important. Elle s’inscrit en faux contre plusieurs autres projets réalisés par la Ville de Québec et la Commission de la capitale nationale visant à dégager le panorama vers le fleuve et y offrir l’accès physique et visuel. Un objectif que visait également la destruction par le Port de Québec, dans les années 1980, de structures tubulaires métalliques et de passerelles aériennes qui reliaient certains bâtiments de la Pointe-à-Carcy. Plus de trente ans après, la mise en place de cette passerelle cyclable serait donc un retour en arrière à éviter.
La problématique de la cohabitation entre cyclistes et piétons sur la Pointe-à-Carcy est certes bien réelle et mérite que des solutions novatrices soient trouvées pour y remédier. Cependant, nous croyons que ces solutions devraient se réaliser en accord avec la mise en valeur du patrimoine et des paysages exceptionnels du Vieux-Québec qui, tout comme les transports actifs, souscrit aux principes de développement durable. Dans cette optique et afin de perpétuer ses bonnes pratiques en protection du patrimoine bâti, nous pensons donc que la Ville de Québec devrait reconsidérer son projet de passerelle cyclable.