Demande de désaveu de la décision de la Ville de Sherbrooke concernant la démolition du 5742, rue de Lotbinière

Dans une lettre envoyée le 19 novembre 2024 au ministre de la Culture et des Communications, Action patrimoine demande le désaveu de la décision prise par la Ville de Sherbrooke d’autoriser la démolition de la maison située au 5742, rue de Lotbinière.

Nous avons récemment appris que le conseil municipal de la Ville de Sherbrooke a infirmé la décision prise par son comité de démolition il y a plusieurs semaines. En effet, le comité avait décidé de conserver la propriété située au 5742, rue de Lotbinière, à Sherbrooke, mais cette décision a été annulée en appel. Nous souhaitons vous faire part de notre opposition à cette décision et nous vous demandons de la désavouer pour les raisons suivantes.

 

Premièrement, cette maison construite en 1917 occupe une place importante dans l’histoire locale, témoignant d’abord de l’exploitation minière entre 1850 et 1900, puis de l’évolution vers une vocation agricole. Selon l’analyse patrimoniale effectuée en juin 2024, « cette demeure constitue un rare exemple de maison d’esprit Queen Anne dans un milieu agricole. » Ces éléments devraient inciter à sa préservation et sa restauration plutôt qu’à envisager sa démolition.

 

Deuxièmement, la décision de la Ville de Sherbrooke repose en partie sur le devis des travaux présenté par le propriétaire. Selon nous, ce devis inclut des coûts discutables qui ne sont pas relatifs à la restauration d’un bâtiment patrimonial, comme les 47 000 $ pour des « armoires et vanités » ou 36 000 $ pour « gypse et peinture ». Bien que nous comprenions les coûts associés à la restauration d’une maison patrimoniale, il est incompréhensible d’y inclure des dépenses qui ne sont pas directement liées à la restauration fondamentale de la maison. Le devis présenté au membre du comité de démolition ou au conseil municipal devrait se limiter aux travaux directement liés à restauration et à la sécurisation de la structure et non pas être majoré par des travaux d’esthétique.

 

Troisièmement, en ce qui concerne les travaux de restauration, il est clair que la facture aurait été moins élevée si un entretien régulier avait été effectué. La grille d’analyse pour la démolition d’un immeuble, issue de l’annexe 1 du sommaire décisionnel de la séance ordinaire du conseil municipal, précise que « l’apparence architecturale, tout comme le caractère esthétique de l’immeuble, s’est dégradée au fil des ans en raison d’un manque d’entretien dans l’espoir de l’obtention d’une autorisation de démolition. »

 

Action patrimoine dénonce la négligence volontaire, qui est malheureusement trop fréquente au Québec. La responsabilité des propriétaires est d’effectuer un entretien régulier pour préserver et transmettre notre patrimoine aux générations futures. Nous ne pouvons plus nous permettre de tolérer ce type de pratique, car elle compromet la survie de notre héritage collectif. Il est donc inacceptable de laisser dépérir un bâtiment dans le but d’obtenir un permis de démolition.

 

Enfin, nous avons été surpris de constater que la Ville de Sherbrooke a autorisé le changement d’usage de la maison passant de logement principal à immeuble accessoire. Cette décision a non seulement facilité l’approbation de la demande de démolition, mais elle a aussi permis au propriétaire d’abandonner son logement pour commencer la construction de sa nouvelle résidence à l’arrière du terrain. Nous nous questionnons ainsi sur l’ordre et l’ensemble du processus relatif à l’octroi des permis.

 

C’est pourquoi Action patrimoine vous demande de désavouer la décision de la Ville de Sherbrooke pour assurer la préservation de cette maison patrimoniale, dernier témoin de son époque, et contraindre le propriétaire à réaliser les travaux nécessaires pour lui redonner ses lettres de noblesse.

 

Photo : Google Maps (2013)

Le contenu des avis relève du comité Avis et prises de position (APP) qui a pour mandat de sensibiliser le plus grand nombre à la préservation du patrimoine bâti et des paysages culturels. 

Composé d’au moins cinq professionnels (urbanisme, architecture, histoire et patrimoine, pour plusieurs membres du conseil d’administration), ce comité se réunit à chaque mois. Les dossiers priorisés ont soit valeur d’exemple soit découlent d’une situation faisant craindre une perte imminente.

Par souci de transparence, nous publions les avis et prises de position sur ce site web quelques jours seulement après l’envoi au destinataire.