Les assurances, un enjeu patrimonial
En tant qu’organisme de regroupement, nous sommes de plus en plus sollicités
concernant les assurances de bâtiments patrimoniaux. En effet, dans les dernières
années, des citoyens, des organismes et des municipalités ont interpellé Action
patrimoine à ce sujet.
C’est pourquoi nous souhaitons aujourd’hui attirer votre attention sur cette
problématique récurrente. Nous constatons un nombre croissant de propriétaires
de maisons anciennes témoignant de leur difficulté à trouver un assureur, du coût
exorbitant des couvertures pour une protection de base, ainsi que des interruptions
subites de contrats, souvent injustifiées. Sans solution à long terme, cette situation
continuera d’avoir des répercussions majeures sur la conservation et la
préservation de notre patrimoine bâti.
Des propriétaires dans l’impasse
La base du problème actuel réside dans les perceptions souvent inexactes qu’ont
les compagnies d’assurance envers les bâtiments anciens, mais également dans
les créneaux, c’est-à-dire les directives dont elles se dotent. Pour ces dernières, la
simple mention du terme « patrimoine » est associée à un risque accru et est
souvent suffisante pour refuser catégoriquement une soumission d’assurance.
Sans parler de la confusion que suscitent les différents statuts de protection et
outils de connaissance (classement, citation, site patrimonial, inventaire, etc.), qui
ne font l’objet d’aucune distinction.
Ainsi, certains propriétaires se sont vus refuser l’obtention d’un contrat
d’assurance sous prétexte que leur résidence, sans statut de protection juridique,
était inventoriée par la municipalité, située dans une zone assujettie à un PIIA ou
présent dans le Répertoire du patrimoine culturel du Québec. Cette situation
témoigne du travail urgent de sensibilisation qui doit être fait auprès des
compagnies d’assurances, mais également du discours positif dont se doit de
bénéficier la préservation de notre patrimoine.
De plus, à l’heure actuelle, aucune mesure législative n’oblige les compagnies
d’assurances à fournir une protection d’habitation à un client. Dans un tel contexte,
les propriétaires de maisons anciennes se retrouvent pris en otage soit par une
augmentation injustifiée de leur prime annuelle, soit par un refus catégorique
d’accéder à une assurance. Évidemment, cette impasse décourage plusieurs
éventuels acheteurs d’acquérir ce type de propriété.
Dans l’attente de solutions concrètes, le problème des assurances représente une
menace immédiate pour la préservation de bâtiments patrimoniaux, et ce, au sens
large. À titre d’exemple, le propriétaire de la maison Pâquet, à Lévis, nous a
récemment informé que son assureur mettait fin à son contrat sans aucune
justification.
En plein processus de vente de la propriété, cette nouvelle compromet la possibilité
de trouver un potentiel acheteur. Devant la difficulté de trouver un autre assureur,
le propriétaire craint pour l’avenir de ce bâtiment classé. Il n’est d’ailleurs pas le
seul à expérimenter cette difficulté : le phénomène semble malheureusement
s’intensifier.
Quelles solutions pour l’avenir ?
Dans les prochains années, toutes les MRC se verront vraisemblablement dans
l’obligation d’adopter et de mettre à jour un inventaire du patrimoine bâti le plus exhaustif possible. Si nous sommes convaincus que cette mesure est absolument
essentielle pour mieux protéger notre patrimoine, nous ne pouvons toutefois pas
omettre les répercussions liées à l’accessibilité aux assurances. Ce faisant, nous
entrevoyons une problématique encore plus critique dans les années à venir.
Nous tenions à vous faire part de cette réalité qui risque d’être exacerbée dans la
foulée de l’adoption du projet de loi 69. Pour les raisons mentionnées
précédemment, il importe de trouver, dès maintenant, des solutions à ce problème
afin de soutenir les propriétaires consciencieux qui font ou feront face à
l’impossibilité d’assurer leur bâtiment. Ces derniers jouent un rôle vital dans la
protection de notre patrimoine bâti et ne devraient pas être laissés ainsi sans
ressource. En ce sens, nous réitérons notre volonté de collaborer de manière
constructive avec votre ministère dans la recherche de solutions.