Le programme particulier d’urbanisme de Sillery

Position d’Action patrimoine concernant le PPU de Sillery présenté en consultation publique aux citoyens — juin 2015

Préambule

À Action patrimoine, nous sommes désolés de constater que près de 10 ans plus tard nous sommes toujours dans la dynamique d’un dialogue de sourds en ce qui concerne l’avenir du site patrimonial de Sillery.

De son côté, la Ville de Québec parle de développement et d’aménagement urbain, ajoutant au passage une préoccupation plus récente de densification, sans mettre l’emphase et la priorité sur le patrimoine dont recèle ce site — villas du XIXe siècle uniques au Québec, paysages culturels façonnés au fil des siècles, propriétés conventuelles d’envergure, quartiers ouvriers d’intérêt.

Les citoyens et les organismes de patrimoine parlent quant à eux de protection et de mise en valeur d’un patrimoine exceptionnel de portée nationale en s’attendant à ce que les autorités concernées mettent en place les mécanismes favorables à assurer sa pérennité.

Et, le ministère de la Culture et des Communications (MCC) table sur un outil de gestion imparfait pour établir une position de compromis — le Plan de conservation du site patrimonial de Sillery — un plan qui n’a pas établi de vision de ce que devait être ce site dans un horizon long terme.

La présente consultation ne peut donc satisfaire les attentes, puisque le consensus sur ce qu’on veut faire de ce site du patrimoine n’a pas été établi.

  • Est-ce qu’on parle d’un site à développer comme n’importe quel autre secteur de la ville avec seulement quelques contraintes pour cadrer les projets des promoteurs? C’est ce que nous laisse entendre le présent PPU.
  • Est-ce qu’on est prêt à sacrifier le patrimoine de Sillery, qui n’a pas d’égal ailleurs au Québec, sous de faux prétextes de densifier de façon égale partout sur le territoire de la ville ? C’est aussi ce qu’on peut interpréter dans ce PPU.
  • Est-ce qu’au delà des beaux discours, on mettra enfin en place les mécanismes qui permettront de recycler en priorité, à des fins d’habitation et des fins communautaires, les anciennes propriétés des communautés religieuses? On ne reçoit aucun signal à cet effet, malgré les solutions porteuses amenées lors des consultations précédentes et malgré ce qui est écrit dans le PPU.

Où est donc le leadership des instances décisionnelles pour assurer un réel avenir à ce patrimoine d’exception et ce milieu de vie ?

La tempête qui sévit à Sillery est sérieuse et laissera des traces si les citoyens qu’on dit consulter sentent que leur opinion n’a finalement pas d’importance et ne fait jamais le poids contre le discours d’un développement urbain sans vision.

Un rappel

Dans le mémoire qu’Action patrimoine a présenté au Conseil du patrimoine culturel du Québec en 2013 dans le cadre de la consultation sur le Plan de conservation du site patrimonial de Sillery, nous avions fait état de l’urgence de se doter d’une vision globale et à long terme pour la préservation du site patrimonial de Sillery sans quoi le développement à la pièce se poursuivrait. Notre organisme avait alors invité les autorités à explorer la possibilité de créer une tierce instance pour assurer la préservation de ce patrimoine, en dehors des impératifs politiques et de la spéculation foncière. La création d’une Fiducie des grands domaines aurait eu l’avantage d’offrir des solutions gagnant-gagnant pour tous ceux qui verraient leur terrain réduit en potentiel de développement et conséquemment en valeur foncière et pour les promoteurs souhaitant investir dans ce secteur. Action patrimoine constate que l’idée n’a pas fait son chemin et nous impose de débattre des mêmes enjeux et des mêmes menaces moins de deux ans après la consultation menée par le Conseil du patrimoine culturel du Québec.

Le PPU Sillery

Compte tenu des objectifs fixés par la Ville, la réflexion du service d’urbanisme de la Ville de Québec est de qualité. Mais le problème réside dans la commande!

Oui, on entend protéger des vues, dégager des panoramas, prioriser le recyclage du bâti conventuel, etc. Nous sommes évidemment heureux du fait que la Ville mette de l’avant l’idée d’un parc linéaire en bordure de falaise. Le corridor vert qui fait l’objet de discussion depuis des décennies, mérite de devenir un parc public. Mais ce qui est proposé est minimal. Il faudrait revoir la largeur de ce corridor pour en faire un véritable parc linéaire (150 mètres). Des accès piétons et cyclables sont prévus et bien localisés. Et la jonction avec la promenade Samuel-de-Champlain offre de belles opportunités. L’idée d’enfouir les fils dans la Côte de Sillery est bonne et contribuera manifestement à améliorer le paysage dans ce secteur.

Les propositions d’aménagement des anciens sites conventuels en attente de réhabilitation sont semble-t-il laissé au bon vouloir des promoteurs qui eux sont plus intéressés à construire de nouveaux édifices que de travailler dans l’ancien. D’où l’ouverture à tout venant pour construire sur les sites religieux désaffectés plutôt que de réhabiliter les bâtiments avec des projets porteurs.

Les propositions de développement et de densification du site des sœurs de Jésus-Marie et du faubourg Saint Michel attenant sont à toutes fins irrecevables telles que décrites dans le PPU.

Le quartier du faubourg Saint-Michel est un quartier ouvrier, témoin privilégié de l’époque de l’industrie du bois et de la construction navale à Québec, qui sait depuis plusieurs décennies offrir une qualité de vie aux citoyens qui l’habitent.

Le voilà maintenant, sans raison aucune, menacé d’étouffer sous la pression beaucoup trop forte d’un développement immobilier disproportionné dans son centre et à sa périphérie. Rien ne justifie à nos yeux de surdensifier ce secteur qui offre très peu d’accès au réseau routier environnement, le bouclage des rues se faisant obligatoirement sur la Côte de Sillery qui n’est pas d’un accès facile. Des maisons de petites dimensions, des rues à une voie de circulation qui ne correspondent pas aux normes d’aujourd’hui, se verraient écrasées par des constructions de grand gabarit et prises d’assaut par un flot automobile supérieur à sa capacité? 300 logements supplémentaires dans ce secteur immédiat permettent de croire que plus de 500 véhicules circuleront dans un réseau routier de très petite dimension. Est-ce acceptable en termes de développement urbain?

Rien ne justifie également de faire disparaitre un équipement sportif de proximité comme l’aréna Jacques-Côté — pas glamour pour certain — mais qui répond aux besoins des jeunes familles de Sillery et pourrait continuer de le faire longtemps moyennant un investissement raisonnable.

Existe-t-il un agenda caché qui permette de croire qu’une fois les projets construits, les promoteurs réclameront d’autres voies d’accès pour désenclaver leurs projets et d’autres surfaces à construire? On peut le penser dans le cas de Jésus-Marie et du faubourg Saint-Michel.

À l’évidence, certains promoteurs immobiliers piaffent d’impatience pour obtenir le changement de zonage nécessaire à leurs projets. Les promoteurs sont des acteurs essentiels dans le développement des villes, mais leurs intérêts propres ne devraient aucunement guider la Ville, car elle est responsable non seulement de l’aménagement urbain mais également du patrimoine qui se trouve sur son territoire.

Enfin, entendons-nous, quand le patrimoine est national, on ne peut prétexter l’obligation de densification pour autoriser des interventions qui ne sont pas porteuses de sens.

Recommandation

Dans l’établissement de son PPU pour le secteur de Sillery, nous recommandons donc à la Ville :

  1. de prioriser la pérennité du patrimoine (les grands domaines, les prairies, les panoramas) ;
  2. d’assurer la protection du site des sœurs de Jésus-Marie et du quartier Saint-Michel en respectant l’existant ;
  3. de revoir sa stratégie pour faire en sorte que la densification de ce secteur patrimonial se fasse en priorité en recyclant le bâti existant délaissé par les communautés religieuses.
  4. de conserver l’équipement sportif de proximité pour consolider la qualité du milieu de vie.

Enfin, nous recommandons à la Ville de Québec et au MCC :

  • de créer, à brève échéance, un lieu de concertation qui permette la création d’une Fiducie des grands domaines qui deviendrait gestionnaire de ce patrimoine immobilier et en favoriserait un développement harmonieux, respectueux de ses qualités (propriétés conventuelles, villas, promenade verte en haut de falaise).

Louise Mercier
Présidente

Le contenu des avis relève du comité Avis et prises de position (APP) qui a pour mandat de sensibiliser le plus grand nombre à la préservation du patrimoine bâti et des paysages culturels. 

Composé d’au moins cinq professionnels (urbanisme, architecture, histoire et patrimoine, pour plusieurs membres du conseil d’administration), ce comité se réunit à chaque mois. Les dossiers priorisés ont soit valeur d’exemple soit découlent d’une situation faisant craindre une perte imminente.

Par souci de transparence, nous publions les avis et prises de position sur ce site web quelques jours seulement après l’envoi au destinataire.