Élégance, résistance et durabilité caractérisent l’ardoise comme matériau de recouvrement des toitures. L’ardoise est une roche métamorphique sédimentaire qui se défait par couches ou lamelles à la façon d’un schiste argileux. Cette propriété explique l’emploi très répandu de ce matériau de recouvrement à travers les siècles. Certains bâtiments d’Europe vieux de plusieurs siècles possèdent toujours leur recouvrement d’origine, signe éloquent des préférences des constructeurs pour ce matériau d’une exceptionnelle durabilité.
L’ardoise est entrée au pays en servant de lest aux navires venant de France, d’Angleterre ou d’Écosse qui repartaient chargés de bois ou d’autres matières premières. Devant les fréquents incendies, il fut très rapidement ordonné que l’on utilise la pierre comme matériau de construction des maisons dans les milieux plus urbanisés de la Nouvelle-France. C’est ainsi que les premières ardoises venant de France ont servi à recouvrir les édifices conventuels et institutionnels. Mais l’approvisionnement insuffisant en provenance de la mère patrie et l’absence d’une industrie ardoisière au pays ont mené à l’abandon progressif de ce matériau au profit de la tôle à la canadienne.
Vers le milieu du XIXe siècle, on assiste au retour de l’ardoise. L’accroissement démographique, les besoins accrus de matériaux de construction et le développement du réseau ferroviaire ont alors favorisé l’importation à un coût abordable d’ardoises des États de la Nouvelle-Angleterre. Puis l’engouement s’est accru avec la découverte de carrières d’ardoise dans les Cantons-de-l’Est, notamment à Melbourne, et la multiplication des sites d’extraction en Nouvelle-Écosse, au Québec et à Terre-Neuve. Dans les années 1970, on a répertorié environ 3000 bâtiments couverts d’ardoise au Canada, surtout en Ontario, au Québec et à Terre-Neuve.
Matériau de grande qualité, l’ardoise offre des avantages considérables. Exceptionnellement durable, elle maintient à travers le temps ses qualités esthétiques. Elle est aussi facile à couper et convient aux toits dont les pentes sont prononcées. Enfin, elle est pratiquement imperméable et résiste bien au feu.
Couverture d’ardoise
Historique
Au Québec, on retrouve la plupart des couvertures d’ardoise à Montréal et dans certaines municipalités des Cantons-de-l’Est (Danville notamment), et occasionnellement à Québec et autres plus grandes villes. Ces toitures datent de la fin du XIXe siècle. L’architecture dite « victorienne » est alors populaire et se prête bien à l’emploi de ce matériau avec ses toits en pentes prononcées et variables. Par exemple, les tourelles et les dômes se parent de tuiles d’ardoise en écailles de poisson, des pans de toiture sont ornementés d’ardoises en demi-écailles à la manière allemande dite schuppen (Figure 1). Très souvent, le faîte de la toiture est rehaussé d’une crête décorative en fer forgé ou en fonte.
Les ardoises sont obtenues à partir de larges blocs de pierre, extraits par dynamitage. Ces blocs sont débités par sciage ou à l’aide de cales et de coins en plus petits blocs de 10 à 20 centimètres d’épaisseur. Puis, le tailleur les refend en minces galettes d’épaisseurs variables (1 à 2 cm) et les taille aux dimensions souhaitées (Figure 2).
On peut alors donner aux tuiles des formes diverses selon les particularités des éléments d’architecture à couvrir (Figure 3). Selon les carrières, l’ardoise n’a pas la même texture, la même résistance et la même couleur. Elle peut être verte, bleue, grise, pourpre, rouge brique ou noire. L’emploi d’ardoises de différentes couleurs permet de créer d’élégants motifs (Figure 4).
De nombreuses carrières offrent encore des ardoises de différentes couleurs. En 1995, une carrière d’ardoise a ouvert ses portes à Saint-Marc-du-Lac-Long dans la région du Témiscouata.
Problèmes les plus fréquents :
- Des ardoises cassées, disloquées, manquantes ou effritées dans les noues, sur le bord des toits ou au faîte (Figure 5);
- Des solins dégradés ou défectueux qui n’ont pas été entretenus et peinturés.
Solutions et méthodes d'intervention
Une toiture d’ardoise abîmée ne devrait pas être considérée comme irrécupérable. Il suffit, dans bien des cas, de réparations usuelles que des couvreurs expérimentés effectueront avec tout l’art du métier. Les problèmes les plus fréquents surviennent à des endroits bien particuliers et n’affectent pas la solidité et l’efficacité des plus grandes parties de la toiture. La marche à suivre pour entretenir adéquatement une toiture d’ardoise est la suivante :
- Inspecter minutieusement la couverture et identifier les ardoises manquantes et celles à remplacer.
- Utiliser des tuiles de mêmes dimensions et de même couleur que les originales. On peut retirer l’ardoise brisée ou fendillée à l’aide d’un tire-clou que l’on glisse sous la tuile pour enlever les clous de fixation (Figure 6).
- Insérer la nouvelle ardoise et la fixer à l’aide de clous dans les trous préalablement percés en atelier au poinçon.
- Recouvrir les têtes de clous de ciment plastique à toiture pour assurer l’étanchéité. On peut aussi clouer un feuillard de cuivre dans l’interstice entre deux ardoises (on aura soin de limer la tête du clou de chaque côté pour qu’il glisse entre les deux ardoises sans en briser les bords), mettre en place la nouvelle ardoise et replier le feuillard sur celle-ci pour la retenir en place. Chaque nouvelle ardoise devrait être installée sur une couche de ciment plastique à toiture pour empêcher tout mouvement.
- S’il faut refaire en tout ou en partie une toiture d’ardoise, utiliser des ardoises plus ou moins longues selon la pente plus ou moins prononcée de la toiture (la pente est souvent supérieure à 45 degrés pour une question d’étanchéité). L’ardoise ne nécessite pas une structure de couverture plus résistante qu’un autre type de recouvrement.
- Opter pour l’une ou l’autre de ces méthodes de pose : fixer l’ardoise sur des voliges, c’est-à-dire des lattes espacées fixées sur les chevrons comme en Europe, ou sur des planches jointives de 15 à 25 centimètres de largeur recouvertes d’un papier feutre.
- Placer les ardoises les plus épaisses sur le bord du toit et les plus fines sur le faîtage.
- Commencer le recouvrement sur la rive ou l’égout du toit qui reçoit deux rangs d’épaisseur. Le premier rang est constitué d’ardoises plus courtes que celles qui couvriront l’ensemble de la toiture.
- Protéger les noues, les rives du toit et tous les angles formés par la toiture à l’aide d’un solin de tôle de cuivre, d’acier inoxydable ou d’aluminium ou d’autre matériau qui ne nécessite pas de peinture. Utiliser des clous du même métal utilisé pour les solins afin d’éviter toute réaction électrolytique.
Comme pour le bardeau de bois, la pose d’ardoise doit respecter deux notions : le pureau et le chevauchement. Le calcul du pureau est simple, il suffit de soustraire sept centimètres de la longueur totale de l’ardoise, puis de diviser le résultat par deux. On obtient alors la dimension de la partie qui sera exposée. Par exemple, une ardoise de 50 centimètres aura un pureau égal à 21,5 centimètres. Les sept centimètres correspondent au chevauchement requis afin que tout point de la couverture comporte trois épaisseurs d’ardoise. Évidemment, on prendra soin d’éviter l’alignement des joints d’un rang à l’autre.
Conseil
Avant de monter sur une couverture d’ardoise, placer une protection (par exemple, une couverture de laine ou une feutrine) sur le point d’appui de l’échelle pour ne pas briser les tuiles cassantes.
Renseignements pratiques
- L’ardoise se vend à la toise, quantité suffisante pour couvrir neuf mètres carrés de toiture (ou environ 100 pieds carrés). Le prix d’une toise d’ardoise variera selon sa provenance sa couleur et sa texture. Une toise pèse environ 330 kilos, ce poids variant évidemment selon l’épaisseur et la densité de l’ardoise. En comparaison, une toise de bardeau de bois pèse environ 210 kilos, mais ce matériau absorbe jusqu’à trois fois son poids d’eau ou de neige alors que l’ardoise est à peu près imperméable et laisse facilement s’évacuer la neige.
- Comme pour tous les travaux, solliciter des soumissions de trois différents couvreurs selon leur expérience en couverture d’ardoise, en demandant que la couleur et les dimensions des ardoises soient respectées.
Bibliographie
1. VARIN, François (1996). Les toitures d’ardoise, un raffinement durable, Continuité (68). p. 47-48. Adresse URI : http://id.erudit.org/iderudit/17208ac
2. American School of Correspondence, Cyclopedia of Architecture, Carpentry and Building, Chicago, 1909. 10 vol.
3. Cullen, Mary, Les couvertures en ardoises au Canada, Environnement Canada, Service des Parcs, Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1990
4. Fitch, James Marston. Historic Preservation. Curatorial Management of the Built World, Toronto, McGraw Hill Book Co. 1982. 433 p.
5. Jenkins, Joseph, The Slate Roof Bible, Jenkins Publishing, États-Unis, 1997, 287 p.
6. Lichfield, Michael, Renovation, A Complete Guide, Toronto, John Wiley & sons Inc., 1982. 571 p.
7. London, Mark et Ostiguy, Mireille. Couvertures traditionnelles, Coll. « Guide technique no 1 » Montréal, Héritage Montréal, 1984. 64 p.
8. NATIONAL PARK SERVICE, The Repair, Replacement and Maintenance of Historic Slate Roofs, Preservation Brief, Washington (D. C.) : National Park Service (1975-2000)
9. RAMSEY/SLEEPER, Traditional Details, Architectural Graphic Standards 1932-1951, John Wiley & Sons Inc., (1991)
10. Varin, François et al.,(recueil d’articles), Entretien et restauration : de la fondation à la toiture, Québec : Conseil des monuments et sites du Québec (1985).