Corniche

La corniche couronne un bâtiment et affirme son gabarit. Elle ajoute aussi à son esthétique et renforce son caractère stylistique.
Sous le Régime français, la toiture n’a pas de débords prononcés. Les pieds des chevrons, ancrés aux sablières et appuyés sur le haut du carré de maçonnerie ou de bois, dépassent peu l’aplomb du parement extérieur. Il n’est pas rare que l’accumulation de glace et de neige sur le bord des toitures entraîne des infiltrations d’eau à l’intérieur. Pour éloigner l’eau de pluie, de ruissellement ou de fonte de neige, on pense très tôt à prolonger l’assise de la charpente au-delà de l’aplomb du mur extérieur. Ainsi naît le larmier, que l’on associe aujourd’hui à la corniche. Pour donner à l’égout du toit un profilé encore plus fonctionnel, une pièce de bois, appelée coyau, est placée sur le pied du chevron. Cette pièce modifie la pente du toit et permet le prolongement du débord.

Historique

Vers la première moitié du XVIIIe siècle, le coyau est de faibles dimensions et permet un débord de quelques centimètres seulement. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le débord s’accentue ; la toiture excède le plan des murs d’environ 60 centimètres. Vers le milieu du XIXe siècle, ce débord s’élargit parfois jusqu’à 1,20 m, voire 1,50 m. La corniche devient de plus en plus ouvragée et ornementée. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la corniche s’orne de modillons, de denticules et de moulures en surplomb (Figure 1).

Figure 1 : Corniche saillante en bois avec modillons et denticules © Crédit photo : François Varin

Ces moulures, inspirées de l’architecture classique, sont alors faites de bois, de pierre taillée ou de brique. Avec l’avènement des grandes feuilles de tôle à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, d’élégants pliages réalisés en atelier simulent la mouluration élaborée des corniches de pierre ou de bois et couronnent les édifices de facture commerciale. Le métal en feuille, plus que tout autre matériau, permet d’obtenir une variété de formes et de motifs à bon compte. Le marché de la construction offre bientôt la possibilité d’acheter par catalogue des corniches de tôle prêtes à assembler.

Des simples rebords de toit des premières habitations aux énormes éléments couronnant les immeubles commerciaux de la première moitié du XXe siècle, les corniches ont évolué au gré des styles et des techniques de construction. On en distingue quelques grands types.

1. La corniche simple

La corniche simple (Figures 2 et 3). Elle se caractérise par un débord plus ou moins prononcé qui suit la pente de la toiture. Dans la plupart des cas, la face inférieure sous-jacente est fermée à angle droit avec l’aplomb du mur. Le soffite ainsi créé forme le dessous du larmier ou de la corniche. Il est fait d’un simple revêtement de planches jointives ou embouvetées. Avec le temps, le soffite sera formé de moulures plus ou moins compliquées, à la façon des caissons des portes à panneaux. Parfois, on applique sous le larmier, à intervalles réguliers, des consoles, ou des aisseliers décoratifs rappelant les modillons classiques. On trouve aussi entre Bellechasse et Rimouski des soffites cintrés où le larmier prend l’allure d’une carène de vaisseau.

Figure 2 : Corniche simple en bois formée par le débord de la toiture en pignon et des rampants de la toiture © Crédit photo : François Varin
Figure 3 : Double corniche simple en pignon et en architrave © Crédit photo : François Varin

2. La corniche avec frise

La corniche avec frise. Cette corniche présente les mêmes caractéristiques que la corniche simple, à la différence que le haut du mur fait corps avec elle et forme ce que l’on nomme une frise. Généralement, le soffite et la frise. sont décorés. La frise s’apparente à une bordure ornementale (Figure 4) : elle est ponctuée de caissons moulurés, de denticules, de modillons, de dentelles, de guirlandes, etc. Lorsque la frise occupe plus de hauteur, qu’elle est fortement moulurée et qu’elle semble prendre appui sur les chapiteaux des colonnes, elle prend le nom d’architrave. La corniche est alors dite à architrave.

Figure 4 : Frise ornementale

3. Les corniches à bassins

Les corniches des édifices à toiture plate ou à bassin (Figure 5). Couronnant les édifices commerciaux ou les fausses façades, ces corniches sont caractéristiques de la première moitié du XXe siècle. Elles peuvent prendre différents profilés symétriques par rapport aux deux côtés du bâtiment : elles sont avec amortissement en arc de cercle, avec amortissement triangulaire, en escalier ou à gradins, etc. Ces corniches constituent bien souvent le seul élément de décor et d’intérêt pictural.

Figure 5 : Corniche d’une toiture à bassin avec encorbellement de briques © Crédit photo : François Varin

Restaurations des corniches

Les matériaux utilisés pour la fabrication des corniches sont :

 

  1. Le bois. Les corniches de bois sont faites de planches et de pièces moulurées, découpées ou ajourées.
  2. La tôle. Souvent très élaborées, les corniches de tôle galvanisée sont produites en atelier. Elles sont fixées par sections à des blocages en bois ou dans des joints de maçonnerie. À l’époque victorienne, notamment en milieu urbain, on y greffe des éléments en tôle, des tourelles, des créneaux, des corbeaux (Figure 6). On fabrique alors des parapets entiers en tôle, ornés de fleurons également de métal.
  3. La maçonnerie ou la terra-cotta. Les corniches fabriquées avec ces matériaux sont souvent de grandes dimensions et ornent des bâtiments institutionnels ou commerciaux. Il s’agit dans bien des cas de produits importés qui requièrent des ancrages spéciaux.
Figure 6 : Corniche de bois avec corbeaux et denticules © Crédit photo : François Varin

Problèmes les plus fréquents

Les problèmes varient selon que la toiture est en pente ou plate. Les plus fréquents sont :

 

  1. La pourriture du bois due à un manque d’entretien.
  2. Les défauts d’ancrage et la détérioration des attaches.
  3. Les déformations et les bris, parfois dus à l’installation subséquente d’éléments.
  4. L’infiltration d’eau qui provoque le descellement ou entraîne la rouille.
  5. Sur les toits en pente ou mansardés, les dommages causés par l’infiltration d’eau due à la défaillance de la couverture ou à l’accumulation de neige ou de glace sur le larmier.
  6. La présence de gouttières ou de grilles contre la neige qui entraîne une accumulation de neige ou de glace.
  7. Une mauvaise isolation ou ventilation du toit qui occasionne la formation de glace, la condensation dans la corniche, la déformation des éléments en bois ou la détérioration des attaches et des extrémités des chevrons sur lesquels la corniche est clouée.
  8. La présence de petits animaux (écureuils ou pigeons).

Solutions et méthodes d'intervention :

Quelle que soit la nature des travaux à entreprendre, ce sont souvent les coûts qui ralentissent les ardeurs des propriétaires. Mais il faut comprendre qu’il y a peu de différence de prix entre construire une nouvelle corniche plus simple et réparer la corniche d’origine. On a donc tout intérêt à restaurer la corniche originale. D’autant plus que les travaux se limitent le plus souvent à des réparations partielles ou à de simples travaux d’entretien, comme le rejointoiement, le remplacement d’une planche dégradée ou la peinture.
S’il faut reconstituer une corniche disparue, le plus simple et le plus judicieux est d’effectuer des recherches afin de retrouver la forme originale ou de concevoir un modèle adapté au bâtiment (matériau, dimension, saillie, forme, ornementation). Les photographies anciennes fournissent de précieuses indications sur les modèles traditionnels. On peut également s’inspirer de bâtiments de même époque qui n’ont pas été altérés. La corniche a pu aussi être cachée par un lambris d’un matériau plus contemporain inadéquat. On devrait alors la dégager avec les précautions qui s’imposent et la remettre en état.

Les corniches de bois

Les corniches de bois sont formées de plusieurs pièces clouées ensemble. Ce type de corniche nécessite un entretien régulier.

 

  1. Vérifier les têtes de chevrons ou les blocages de bois.
  2. Consolider les éléments descellés.
  3. Réparer les éléments difficiles à reproduire. Dans la plupart des cas, on remplace simplement les planches endommagées sans abîmer les autres composantes.
  4. Enlever toute trace de pourriture et remplacer les parties pourries par des pièces en bois traité.
  5. Remplacer les sections de moulures ou les éléments appliqués (consoles, modillons, etc.) en faisant faire une copie de l’original par un atelier de menuiserie expérimenté ou faire appel à ses talents de bricoleur.
  6. Dans le cas des nouvelles corniches, si les dimensions diffèrent des originales, les consolider au moyen d’un support ancré dans les murs.
  7. Installer les solins appropriés, calfeutrer et peindre.

Les corniches de pierre ou de brique :

Pour ce type de corniches, les interventions consistent à :

 

  1. Vider les joints dégradés et tirer de nouveaux joints. Ce travail sera fait par un maçon d’expérience.
  2. Par la même occasion, remettre en place les briques ou les pierres mal assujetties ou descellées, et s’assurer de la solidité des attaches et des ancrages.
  3. S’il y a lieu de refaire certaines pierres ou briques, un maçon d’expérience saura où se procurer de la pierre ou de la brique qui s’apparente et comment la tailler et la mettre en œuvre.

Les corniches de tôle

Dans le cas des corniches de métal, les parties détériorées sont restaurées selon les techniques de réparation de la tôle. S’assurer que la corniche est bien fixée et que les attaches ne laissent pas pénétrer l’eau.

 

  1. Remplacer les sections abîmées en faisant appel à un ferblantier ou à un couvreur. Un ferblantier peut aisément reproduire un pliage qui s’ajustera avec les parties conservées.
  2. Colmater les têtes de clous ou de vis pour rendre le tout étanche.
  3. Brosser, nettoyer ou décaper une tôle simplement rouillée ou écaillée. On prendra soin d’appliquer par la suite un apprêt à métal antirouille puis deux couches de peinture appropriée.

Toit plat

Sur les bâtiments à toit plat, le drainage se fait par le centre ou vers l’arrière. Les problèmes de couverture n’affectent donc pas directement les corniches. Cependant, si le métal des corniches est rouillé, si les solins sont mal fixés ou dégradés, les surfaces horizontales laisseront pénétrer l’eau. Ces surfaces doivent être d’autant plus étanches que la tôle de la corniche qui recouvre aussi la tête du parapet derrière et vient mourir sur la toiture.

© Crédit photo : Alexandra Michaud

Présence inopportune de petits animaux

Les pigeons et les écureuils nichent souvent dans des corniches percées ou dans leurs cavités ornementales. Les fientes des pigeons, particulièrement corrosives, attaquent certains matériaux comme la tôle, la pierre et le calcaire. Pour contrer ce problème :

 

  1. Boucher dans un premier temps les ouvertures de la corniche ou les endroits où la tôle manque. Fermer l’accès à l’entretoit avec un grillage de métal.
  2. Installer des pièces de bois traité hérissées de clous inoxydables ou des bandes de tôle découpées en pointes pour empêcher les pigeons de se poser. Attention : ces accessoires doivent être compatibles avec leur support.

Coûts et main-d’œuvre

Selon la nature de la corniche ou le type de travail à exécuter, on aura recours à des menuisiers, des maçons ou des ferblantiers, à moins que l’on juge être en mesure de faire soi-même l’intervention. Plus le travail à faire sera complexe, plus il faudra choisir des ouvriers expérimentés. Comme pour tout autre travail, il faut « magasiner » les prix qui varient selon la méthode et le matériau utilisé.

Conseils

  1. Prévoir la location d’un échafaudage et son installation.
  2. Ne pas intervenir près de lignes électriques aériennes sans prévenir Hydro-Québec ou un électricien compétent afin d’éviter les risques d’électrocution.
  3. Ne pas démonter la corniche avant d’avoir trouvé un modèle de remplacement. On réduit ainsi la durée des travaux, donc la période de location des échafaudages, tout en s’accordant le temps de trouver ou de faire fabriquer, en tout ou en partie, une corniche de remplacement adéquate.

Bibliographie

1. VARIN, François (1998). La corniche : signature du bâtisseur. Continuité (79) p. 56-59. Adresse URI : http://id.erudit.org/iderudit/16649ac

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5. Arnaud, M.E., Cours d’Architecture et de constructions civiles, Technique du bâtiment Tome II, Imprimerie des Arts et Manufactures, Paris, 1925,

6. AUGER, Jules, et al, Mémoire de bâtisseurs du Québec. Répertoire illustré de systèmes de construction du 18e siècle à nos jours, Montréal : Éditions du Méridien (1998).

7. BARBEROT, E, (1911) Traité pratique de charpente, Librairie polytechnique, Paris, CH. Béranger éd., 612 pages

8. JACKSON, Albert, et Al., The Complete Home Restoration Manual, Simon & Schuster (1992)

9. London, Mark et Ostiguy, Mireille. Couvertures traditionnelles, Coll. « Guide technique no 1 » Montréal, Héritage Montréal, 1984. 64 p.

10. NOPPEN, Luc, et al, Québec trois siècles d’architecture, Montréal : Libre Expression (1979).

11. Notman, Portrait of a Period, A Collection of Notman Photographs 1856-1915, McGill University Press, 1967,

12. Poore, Patricia et Labine, Clern. The Old-house Journal New Compendium. New York, Dolphin Books, 1983. 426 p.

13. RAMSEY/SLEEPER, Traditional Details, Architectural Graphic Standards 1932-1951, John Wiley & Sons Inc., (1991)

14. Varin, François et al.,(recueil d’articles), Entretien et restauration : de la fondation à la toiture, Québec : Conseil des monuments et sites du Québec (1985).

Ces fiches techniques remaniées et illustrées sont le résultat d’une collaboration étroite entre le magazine Continuité, Action patrimoine et leur auteur, l’architecte François Varin. Veuillez noter qu’elles se veulent un outil d’accompagnement pour guider la réflexion en matière d’intervention sur le patrimoine bâti; elles ne remplacent en rien l’expertise et le travail d’un professionnel.

© François Varin, Éditions Continuité et Action patrimoine. Révisions: François Varin, Louise Mercier et Alexandra Michaud. 
Dessins techniques: Alexandra Michaud ©